Il m’est venu l’envie d’écrire cet article après une belle conversation avec mon amie Julia, une âme lumineuse avec qui j’ai la chance de pouvoir parler de tout, et me sentir libre de tout dire, même ce qui n’est pas encore très clair en moi. Je la remercie de m’avoir inspiré pour cet article.
Pendant longtemps, malgré de nombreuses études, j’ai eu du mal à comprendre la figure de Marie dans les Évangiles. Pour être tout à fait honnête, je la percevais comme une femme faible, presque effacée, sans grande utilité dans le récit biblique. Même après avoir lu les textes, quelque chose en moi restait fermé, pas convaincu.
Et puis, avec le temps, à mesure que ma pratique spirituelle évoluait, quelque chose a commencé à se transformer. J’ai relu ces passages autrement. Une autre lecture s’est ouverte à moi, plus intérieure, plus sensible. J’ai alors développé une compréhension très personnelle, peut-être non conforme à aucune vision théologique précise, n’appartenant à aucune religion en particulier et en même temps, nourrie d’un profond respect pour toutes.
Ici, il n’est pas question d’enseigner, ni de froisser, encore moins d’énoncer des certitudes. Je souhaite simplement partager avec la même confiance que celle que j’ai envers Julia, l’intuition que j’ai eue, et qui m’a profondément touchée.

AiArtista de Pixabay
Une révélation qui a pris son temps
Cette révélation sur Marie m’était venue doucement, depuis quelques années déjà. Comme une intuition en arrière-plan, un pressentiment spirituel sans nom. Mais elle a pris véritablement forme dans mon cœur un jour particulier, lors d’un voyage au Monténégro, dans la magnifique baie de Kotor.
Kotor dégage une forte énergie spirituelle grâce à la puissance de sa nature : montagnes majestueuses, mer profonde et lumière changeante. Sa vieille ville, marquée par des siècles d’histoire religieuse, abrite de nombreux lieux sacrés chargés de symboles. Enfin, la proximité de lieux de pèlerinage comme le monastère d’Ostrog renforce cette impression d’un territoire profondément habité par le sacré.


Je visitais alors l’église Notre-Dame-du-Récif, à Perast, un petit village baroque situé dans la baie de Kotor. Le sanctuaire se dresse sur une île artificielle, surgie des flots, entourée d’eau et de silence. C’est là que, pour la première fois de ma vie, j’ai acheté une représentation d’un saint. Je faisais ma simple touriste quand j’ai été attirée, au départ, non pas par une représentation de Marie en elle-même, mais par le style artistique de l’artiste qui l’a peinte, Romana Milutin Fabris. C’est ensuite que je me suis penchée pour réfléchir à Marie.
Et c’est comme si, à cet instant précis, tout ce que je portais en moi depuis des années s’était enfin déposé, installé, enraciné. Comme si le travail intérieur avait été fait depuis longtemps, mais que le fruit mûrissait lentement, jusqu’à ce moment-là. Et ce jour-là, Marie s’est assise avec tous les autres sages déjà installés dans mon cœur, qu’ils soient athées ou de confessions diverses, anonymes ou connus, maîtres ou simples gens ordinaires, tous ceux qui, au fil de mes lectures, de mes pratiques et de mes retraites, ont marqué mon cœur.
Que racontent les traditions écrites sur l’énergie de Marie ?
Dans les Évangiles, Marie n’est jamais décrite comme une femme bruyante, réactive ou dominée par ses émotions. Elle ne hurle pas, ne pleure pas à voix haute, ne résiste pas. Elle écoute, médite, accueille, se tient debout. En cela, elle incarne une figure qui peut étonnamment être rapprochée de celle du yogi accompli.
Elle interroge sans douter : la lucidité de la conscience
Lors de l’Annonciation, l’ange Gabriel vient lui annoncer qu’elle portera un enfant, le Fils du Très-Haut. Sa première réaction est une question calme et légitime, non pas un rejet :
Marie dit à l’ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je n’ai pas de relations avec un homme ?
Luc 1:34 (Segond 21)
Elle ne nie pas, elle n’objecte pas, elle demande comment. Cela témoigne d’un esprit lucide, éveillé, présent, mais non rebelle. Elle ne cherche pas à contrôler. Elle veut simplement comprendre la mécanique divine qui la traverse.
Un yogi, dans sa pratique, ne refuse pas l’expérience. Il observe, il accueille, il questionne avec discernement, mais sans vouloir forcer l’univers.
Elle accepte : la soumission qui libère
Après avoir entendu la réponse de l’ange, Marie donne son "oui" intérieur, une offrande d’elle-même à plus grand qu’elle. Elle ne se considère pas comme victime, mais comme servante consciente d’un plan supérieur.
Marie dit : « Je suis la servante du Seigneur. Que ta parole s’accomplisse pour moi ! » Et l’ange la quitta.
Luc 1:38 (Segond 21)
Il n’y a ni cris, ni crises, ni fuite. Elle s’abandonne pleinement, dans une paix intérieure qui n’est pas de la résignation mais de la liberté profonde.
Le yogi aussi, lorsqu’il atteint les hauteurs de la pratique, entre dans une relation d’unité avec le divin, le Soi, la Conscience supérieure. Ce n’est pas une soumission de faiblesse, mais un consentement qui libère du poids de l’ego.
Elle garde tout dans son cœur : la méditation silencieuse
Marie gardait toutes ces choses et les repassait dans son cœur.
Luc 2:19
Elle est la méditante par excellence. Elle n’a pas besoin de parler, ni de comprendre avec son mental. Elle intériorise, elle contemple dans l’âme, elle laisse l’invisible faire son œuvre.
Le yogi, dans sa pratique méditative, fait de même : il observe sans jugement, il accueille ce qui est, il se relie au mystère en silence.
Au pied de la croix : la force tranquille dans la souffrance
Quand Jésus est crucifié, Marie est là. Elle ne fuit pas la douleur, elle ne tombe pas, elle ne crie pas. Elle se tient debout, dans une posture digne, silencieuse, presque immobile.
Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère…
Jean 19:25
Elle se tient. Quelle puissance dans cette simple position ! Comme un yogi dans la posture stable (āsana), elle incarne la maîtrise des vagues intérieures. Elle ne se laisse pas emporter par les petites pulsions, les drames immédiats. Elle ressent sans se dissoudre, elle souffre sans se désintégrer.
Marie, déjà prête dans le silence de l’invisible
On ne parle presque pas de l’enfance de Marie dans les Évangiles. Elle apparaît soudain, jeune femme silencieuse, prête à accueillir l’inimaginable. Et pourtant si elle a été choisie, c’est qu’elle portait sans doute déjà en elle quelque chose de particulier. Peut-être était-elle une âme contemplative depuis toujours. Peut-être méditait-elle sans le savoir, dans la solitude et l’écoute intérieure. Peut-être avait-elle reçu des enseignements dans le silence des traditions orales. On ne le saura jamais vraiment. Certains textes apocryphes évoquent ces aspects, mais ce n’est pas mon intention ici de les explorer. Ce qui m’interpelle, c’est cette idée simple : être prêt ne vient jamais de nulle part. Il y a, en amont de tout appel, une disposition du cœur. Et peut-être que Marie, se préparait déjà à dire "oui" bien avant que l’ange ne parle.
Marie, yogini du cœur et dans l’âme

Œuvre de Romana Milutin Fabris
Marie nous enseigne qu’il n’y a pas de vraie liberté sans soumission à plus grand que soi. Elle ne s’est pas laissé gouverner par ses émotions, ses peurs, ses révoltes. Elle a choisi de faire confiance. Elle a offert son corps, son destin, sa douleur, et même son silence à l’œuvre divine.
Le yogi aussi choisit la voie du détachement, de la non-réaction, de l’union avec le tout. Il s’abandonne au divin, non comme un esclave, mais comme un être éveillé, qui sait que la liberté se trouve de l’autre côté de l’ego.
Marie ne dit presque rien. Et pourtant, elle incarne tout : la paix, la force, la foi, l’humilité, l’amour silencieux. Elle est, pour le chrétien comme pour le chercheur spirituel, un exemple inégalé d’alignement intérieur.
Elle porte l’attitude de tous ces yogis : êtres paisibles qui ne fuient pas la douleur, mais la traversent avec présence. Qui ne cherchent pas à contrôler, mais à s’abandonner à plus grand. Qui ne sont pas esclaves de leurs pulsions ou de leurs émotions, mais libres intérieurement, car enracinés dans quelque chose de plus vaste qu’eux-mêmes.
Marie incarne cette forme de soumission consciente — non pas une soumission subie, mais un consentement profond, un abandon confiant à ce qui la dépasse. Et paradoxalement, c’est dans cette soumission-là qu’elle me paraît la plus libre, la plus forte, la plus inspirante.
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